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Militante et aidante

temoignage militante et aidante

Elle se présente comme une bénévole dans le milieu associatif depuis l’âge de 20 ans, Madame X était chef de projet dans ce secteur d’activité. Elle présente son père, un artiste peintre, en perte d’autonomie qui ne pouvait plus vivre seul dans son pavillon de banlieue.

Votre père a été diagnostiqué depuis combien de temps ?

«  Il est dans une maison de retraite aujourd’hui, Il s’est passé dix mois entre le diagnostic et son entrée dans cet EPHAD. À cette époque, perte de poids, diarrhées, je l’ai obligé à se faire hospitaliser. Dès la première nuit à l’hôpital, je l’ai senti dans un désarroi psychologique qui était inquiétant, l’entourer, l’écouter, être dans la joie, pour qu’il ne sente pas ma peur, car le diagnostic a tardé. On nous a parlé d’un cancer du côlon avancé ,on ne savait pas dans quelle situation il était, il y avait plein de problèmes en cascade à résoudre dans l’urgence.

À la sortie de l’hôpital mon père est allé dans une maison de convalescence où il est resté plusieurs mois. C’est là que le diagnostic a été confirmé, il était atteint d’une démence à corps de Lewy. Ils ne pouvaient plus rester dans ce centre, et c’est à cette époque que J’ai été licenciée économique et depuis je suis demandeuse d’emploi.

Depuis combien de temps estimez-vous avoir été l’aidante de votre père ?

Ma mère avait du mal à accepter ce diagnostic, je la trouvais très angoissée, très préoccupée et complètement désemparée. Je me suis dit que cela lui ferait du bien de rencontrer d’autres personne dans son cas et je l’ai amenée dans une association d’aidants . Cela l’a libérée d’avoir réalisé que nous n’étions pas les seules, et que d’autres vivaient des situations bien pires. Pouvoir en parler et mettre des mots dessus, ça rassure.

Je me suis occupée de tout dès que le diagnostic a été posé, prévenir toutes le personnes avec qui mon père était en lien sans compter la paperasse administrative, il fallait être présent pour lui physiquement, le rassurer. Très franchement je m’occupais de lui à temps plein, je ne sais pas si c’est général mais quand on se sent envahi très rapidement, ce n’est pas quelque chose qui commence à telle heure et qui finit à telle heure.

Finalement j’arrivais à bien me débrouiller, je gérais cela plutôt pas mal et au sein de l’association j’essayais de donner des conseils aux autres à partir de l’expérience que je vivais avec mon père. Cela leur faisait du bien et ça m’a permis de me voir autrement que comme quelqu’un qui subissait une situation, peut-être parce que les autres vivaient des situations bien plus difficiles.

Comment vous est venu la volonté de vous rapprocher d’associations d’aidants ou de groupe ? J’avais plein d’idées mais du mal à me dégager du temps. Mon seul engagement était à l’échelle de l’EPHAD où vit mon père. Je rencontrais beaucoup de gens qui vont dans cet EPHAD tous les jours, car il y a beaucoup de choses qui ne vont pas, il ne suffit pas de mettre son parent dans ce type d’établissement pour ne plus avoir rien à faire.

Avec une autre fille d’un proche, nous avons le projet de créer une asso pour rassembler des enfants, des conjoints, des proches, afin de pouvoir échanger des tuyaux par rapport à la direction de cet établissement qui ne fait rien dans ce sens. On ne considère pas que vous êtes un aidant, vous êtes intrusif parce que vous n’avez rien à faire à part venir passer un bon moment avec votre parent.

Or, nous constatons un certain nombre de dysfonctionnements plus ou moins graves et quand on le signale, c’est plus ou moins bien pris par la direction, on cherche plutôt à nous faire taire qu’à nous faire parler. Nous sommes un noyau dur de 4 femmes qui nous occupons de nos proches, on se réunit toutes les semaines et on écrit des courriers à la direction à qui nous demandons la création d’un CVS (Conseil à la Vie Sociale).

C’est moi qui suis allé chercher de l’information, dans une logique de créer quelque-chose qui dure plus qu’une séance et qui ne soit pas fait que pour parler, mais amener des éléments concrets de compréhension sur la maladie : une association d’aide aux aidants. C’est très dense, il y a des gens qui ressentent le besoin de se rapprocher de nous, de prolonger les conversations.

Est-ce parcours d’aidant qui vous amène à cette réorientation socio- professionnelles ?

Aujourd’hui, je ne me projette pas du tout, j’essaye de ne pas me projeter. Je réfléchis beaucoup à me réorienter vers un public avec lequel j’ai envie de travailler. Ce fut comme une révélation, une évidence, je me suis rendu compte que quand j’étais travailleuse sociale, je nouais des liens et j’avais plus d’empathie avec les personnes âgées. Je me suis dit c’est quelque chose à creuser et que ça m’épanouirait de m’orienter vers quelque chose comme ça.

Le travail consisterait à rappeler aux aidants professionnels qu’il faut garder une certaine éthique, que ce sont des personnes avant d’être des personnes âgées. Ce que j’essaye de véhiculer auprès des parents et proches de malades que je rencontre :

« faites-le pour vos proches mais également pour les autres car si votre maman n’est douchée qu’une fois par semaine et que « vous veillez au grain » en venant souvent, imaginez le cas de cette personne qui sent le pipi et sait très bien que personne ne s’en occupera. Faites-le pour les autres et pour vous aussi parce que dans quelques temps ce sera votre tour. La qualité de la prise en charge des personnes âgées ne fera qu’augmenter en fonction des revendications de leurs proches ».

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